Un des grands plaisirs des promenades à Mesquer, ce sont les balades dans les marais. Nous n’avons pas le grand canal de Versailles, mais nous avons de magnifiques miroirs d’eau, animés par les aigrettes, les avocettes et autres échassiers. Tout ceci pourrait bientôt disparaître derrière d’immenses haies de Baccharis Halimifolia.
Le Baccharis est une plante invasive qui colonise avec une rare agressivité nos zones de marais. Entre 2004 et 2012, les surfaces colonisées sont passées de 10 ha à 30 ha à Mesquer. Elles ont été multipliées par trois. Cet arbuste originaire de la côte Est des États‑Unis peut atteindre 4 m de haut. L’Europe a pris la mesure du problème des plantes invasives et vient de publier ce mois de septembre les bases de sa réglementation. Elle reste à être appliquée en France.
Cet été, nous avons organisé deux jour- nées de coupes démonstratives contre le Baccharis. Toutefois, nous savions que ces deux actions avaient davantage valeur d’exemple que d’actions efficaces. Est‑il possible d’être efficaces ? Oui, mais c’est loin d’être facile ! Il existe des zones où l’on en est venu à bout. La lutte contre le Baccharis demande une grande ténacité et une grande envergure.
Avant de se lancer dans un tel programme, refaisons le point sur les conséquences de l’invasion de nos ma- rais et de nos côtes par cette «Alien specie». La plus visible est une modification radicale de nos paysages. Les zones de marais sont des espaces ouverts. Ils deviennent des espaces bocagers. Les miroirs d’eau offerts par les vasières disparaissent derrière des rideaux arbustifs. La deuxième conséquence, c’est un grand appauvrisse- ment de la biodiversité. Là où la végétation était variée et riche, elle devient pauvre avec une sorte de monoculture, celle du Baccharis. Enfin pour l’activité économique de la production de sel, c’est une réduction des rendements des salines avec une diminution de la force du vent si utile à l’évaporation puis à la cristallisation du sel. C’est pourquoi, le Baccharis devrait très prochainement figurer dans les espèces invasives dont la commercialisation serait interdite. Nous le demandons de- puis des années. Il semble que le lobby des paysagistes s’y soit opposé et que le ministère de l’Agriculture leur ait donné raison. Aujourd’hui, sa commercialisation est insignifiante. Il ne faut donc pas attendre grand-chose de cette interdiction prochaine.
Alors que faire ? Une seule solution : obtenir l’obligation de coupe sur les terrains infestés. Impensable ? Utopique ? Pas tant que cela, car pour une plante comme le chardon, cette obligation existe. À défaut d›une intervention par le propriétaire, cela permettrait aux communes motivées d›intervenir et même à lui refacturer les frais.
L’initiative de la création d’un collectif National anti-baccharis
C’est en faisant ce constat que Les Amis des sites ont pris l’initiative de la création d’un collectif national anti-baccharis. En effet, ce n’est pas notre association qui pourra seule faire avancer les choses. Il faut un mouvement national. Nous sommes loin d’être les seuls à nous préoccuper du problème. Il est largement répandu sur l’ensemble de nos côtes (voir la carte ci‑contre). De nombreuses associations se mobilisent et mènent des actions. En conjuguant nos forces nous pouvons faire avancer ce dossier. Une réunion de création du Collectif a eu lieu le 8 septembre dernier. Il réunissait 4 associations de Protection de l’Environnement de la Presqu’île et deux du Morbihan, des représentants des communes de la Presqu’île et deux associations de paludiers. Depuis, les contacts ont bien avancé. Les associations de Charente‑ Maritime sous la houlette du Président de Poitou‑Charentes Nature devraient nous rejoindre. Nous avons des adhérents dans le Morbihan et également l’appui du Forum des marais atlantique, du Conservatoire National Botanique. Le mouvement est en cours. Nous avons déjà constitué une équipe de motivés.
Comment agir ?
Au niveau national, l’objectif est simple : obtenir des ministres de l’Environnement et de l’Agriculture qu’ils modifient la législation dans le sens souhaité. Les responsables politiques et l’exécutif ne bougent que s’ils sentent un mouvement d’opinion déterminé et dont l’action est relayée par les mé- dias. En réunissant un grand nombre d’associations, nous allons prouver qu’un mouvement d’opinion existe. Encore nous faut‑il une visibilité dans les médias. Nous avons l’intention de faire une lettre ouverte aux ministres concernés. Pour son envoi, nous convoquerons la presse. Par ailleurs nous avons un site internet (encore en construction) à l’adresse suivante www.collectif-anti-baccharis.org. Il recensera toutes les actions et conseils pratiques au niveau national.
Au niveau local, chaque association s’engage à agir auprès des collectivités territoriales pour obtenir son soutien et des aides en moyens techniques et humains, voire financiers pour agir notamment en organisant des coupes et arrachages.
À Mesquer, les coupes estivales ne suffisent pas, il convient de mobiliser la population résidente à l’année. Ce sera un de nos objectifs de l’hiver.
Comme vous le voyez, les ambitions sont importantes, mais notre volonté ne l’est pas moins.
Patrice Pervez